Selon l’historien et philosophe Yuval Noah Hariri :
Les êtres humains pensent en récits plutôt qu’en faits, en chiffres ou en équation
Le récit est un moteur de changement écrit Cyril Dion dans son Petit manuel de résistance contemporaine. Peut-être que cette contribution à l’« histoire » des premiers pas de Blais’Watt pourrait servir le collectif ?
Les précurseurs
Le point de départ de notre aventure a été une réunion d’information organisée le 7 février 2019 dans une salle de la ferme de Brisebarre à Blois, par Energie Partagée avec Energies Vendômoises pour informer le public et échanger avec lui sur les actions citoyennes pour la transition énergétique.
Pour ceux qui l’igoreraient Energie Partagée est un acteur de la finance solidaire. Il collecte l’épargne citoyenne et l’investit au capital des projets citoyens d’énergie renouvelable qu’il accompagne de par ailleurs.
Energies Vendômoises est sans doute moins connue. C’est une jeune association doublée d’une « société par actions simplifiées » ou SAS[i] qui répond au bel acronyme de PICVERT. Elle a été créée en février 2017. Elle compte une quarantaine d’adhérents dont quelques collectivités locales et entreprises du Vendômois. Tout en menant des actions de sensibilisation du public, elle investit et travaille sur deux projets :
- une ferme solaire sur une ancienne décharge, à Montoire sur le Loir sur un espace de 5 Hectares, pour environ 2 millions d’euros avec 8000 panneaux solaires produisant l’électricité (hors chauffage) d’environ 1800 personnes. La revente d’électricité est effective depuis septembre 2019.
- L’achat et la gestion d’une toiture photovoltaïque d’un bâtiment appartenant à Valdem, un syndicat mixte de collecte et traitement des déchets Valdem. 468 m² de panneaux photovoltaïques dont l’exploitation est prévue pour 20 ans.
J’ai pour ma part été impressionné par l’investissement humain qui a prévalu à sa création : le rythme de progression et de constitution a été donné par l’ensemble du groupe, l’écoute mutuelle est la règle, la gouvernance et les responsabilités sont collégiales.
Les représentants de ces associations présents lors de cette réunion, sont depuis partie prenante de notre collectif.
Un public et des compétences, diversifiés et complémentaires
Le collectif s’est constitué un mois après cette première réunion, le 8 mars 2019. Depuis, il se réunit régulièrement, une fois par mois environ…
Lors de la première rencontre, un tour de table a permis à chacun de se présenter et de dire brièvement pourquoi il était là et quelles étaient ses attentes. Le public était varié : quelques militants (associatifs et/ou politiques), mais pas seulement. Beaucoup d’actifs et des retraités actifs. Un large éventail de professions (ingénieur, informaticien, médecin, éleveur…) et quelques élus de Blois et de l’Agglo… Une majorité d’hommes !
J’étais le seul à évoquer la sortie du nucléaire comme motivation de ma présence ou « agir pour et pas seulement contre ». Les participants, professionnels ou amateurs éclairés, porteurs de compétences techniques, scientifiques et/ou économiques dans le domaine de l’énergie étaient là, dans leur élément, dans leur champ d’expression habituel. Pour d’autres, cela consistait plutôt à poursuivre un engagements personnel : participants au défi « familles à énergie positive » ; initiateurs et/ou membres d’associations locales telles que le « fourum solaire », Vineuil en transition, les Colibris 41, ces derniers étant porteur d’une expérience de vie associative utile au collectif.
Les attentes et les centres d’intérêt
Au fil des rencontres et des échanges qui ont suivi, la vision collective de la de la transition énergétique était consensuelle : sobriété, efficacité, économie, production locale, pédagogie… et croisait les critères d’actions de la charte d’Energie Partagée.
- un ancrage local en l’arrêtant au « bassin de vie du blaisois » plus pertinent qu’une délimitation administrative stricte comme l’agglo…
- une gouvernance « ouverte », démocratique, transparente…
- une exigence écologique reposant sur le respect de l’environnement et la réduction des consommations en énergie
- une démarche non spéculative.
Le dénominateur commun des attentes et désirs des membres du collectif est la volonté d’agir (un premier projet concret dans les 2 ans) et la convivialité.
Ceci étant, le collectif a poursuivi ses travaux et les échanges sur deux axes : la recherche de projets concrets et l’organisation ou la structuration du collectif.
La recherche de projets
Pendant qu’un groupe travaillait sur les textes, l’autre groupe, selon les compétences et les centres d’intérêts de ses membres, a entrepris activement la collecte d’information et la pré-identification de projets potentiels… Chemin faisant, le résultats de ces démarches, les sources documentaires à consulter pour s’informer ou se former, sont mis en partage par mail.
Quelques porteurs de projets d’aménagement et de constructions publiques ou privées pouvant être équipé pour produire de l’énergie ont déjà été repérés. Toutes opportunités est examinée et envisagée sans a priori : solaire, éolien, biomasse, petite hydraulique… Le sujet est ouvert.
Une boîte à outil se constitue pour, par exemple, évaluer la faisabilité technique d’un projet solaire. L’ADEME est une précieuse source d’informations. Elle a estimé le potentiel photovoltaïque des friches et parking. Celui qui a déniché ce rapport a demandé à l’ADEME de nous communiquer la localisation de tous ces sites… Un autre membre a collecté des informations et fait lors d’une précédentes réunions un point détaillé sur les forces et faiblesses du potentiel hydroélectrique que représenterait les quelques 100 moulins répertoriés en Loir et Cher… etc.
Bref, c’est une dynamique qui va bon train.
La structuration
Rester un collectif informel ou se structurer ? Quel statut pour agir avec efficacité, flexibilité ? Après débat, le collectif a décidé de créer deux structures : une association d’intérêt général qui permettra de formaliser administrativement l’existence du collectif (adresse, visibilité…) et une « société par actions simplifiées » ou SAS [i] pour investir ensuite dans les projets « productifs » identifiés par l’association.
Le projet de statut a été approuvé en réunion le 6 juin 2019. Il précise simplement le champ d’action et pour partie, l’organisation…
Cette association a pour but de promouvoir et d’accompagner des projets à l’initiative de citoyens du bassin de vie de Blois pour la production d’énergies renouvelables sur le territoire et des projets favorisant la transition énergétique.
Elle a également pour but de sensibiliser les habitants aux enjeux liés à la transition énergétique (sobriété, efficacité, énergie renouvelable) et de diffuser les expériences de projets citoyens…
Statuts Blais’Watt – Article 2 – Objet
Il définit la gouvernance de l’association. Elle sera collégiale assurée par un « comité de pilotage » qui pourra compter entre 5 et 15 membres sans distinction de titre ou de rang ; les décisions seront prises par consensus ou à défaut à l’unanimité par vote.
Le groupe qui a préparé ce projet de statut doit également plancher sur un règlement intérieur qui précisera des détails fonctionnels et répondra à des questions en suspens comme l’adhésion gratuite pour des étudiants ou des mineurs, les modalités de cooptation des personnes morales…
Sur cette base l’AG constitutive de Blaiswatt s’est tenue le 28 juin 2019
La liste de diffusion du collectif compte 40 « adhérents » tout rond et depuis sa création elle est régulièrement réajustée à la hausse.
Conclusion
En 5 mois, constituer une association d’énergie citoyenne pour contribuer localement à une transition énergétique respectueuse de l’homme et de l’environnement et ceci avec des personnes de tous les horizons est un pari qui est prêt de se réaliser.
Ce n’est qu’un premier pas. Il faudra au moins deux ans au moins pour finaliser le premier projet de production énergétique, mais la dynamique et bonne et tous les espoirs sont permis.
Comment expliquer ce résultat ? Quelques hypothèses !
- Agir maintenant sans plus attendre. L‘élus local dont l’action quotidienne est contrariée et entravée par l’inertie du système ; le militants las de signer des pétitions et de manifester ; l’écocitoyen convaincu qui ne peut se satisfaire d’agir dans son coin ; consommer bio, composter ses déchets organiques, trier ses ordures, économiser son électricité, c’est bien mais ce n’est peut-être pas suffisant. Il faut des actes, du concret !
- Le local c’est maîtrisable. Cet espace est aux antipodes du « global » marchand et des dégâts qu’il occasionne sur l’environnement et les sociétés. Les différents acteurs de la société civile, les décideurs, les entrepreneurs peuvent s’y retrouver autour de projets dont ils partagent la maîtrise. En terme d’énergie et de transport, la relocalisation pour partie des processus de production et de consommation n’est-elle pas vertueuse ?
- C’est dans l’air du temps. Le réchauffement climatique est devenue l’affaire de tous, voire l’affaire du siècle ! En ce début d’été, le gouvernement et les partis politiques verdissent mais cela n’entravera pas la jeunesse qui marche pour le Climat car elle n’attend pas de discours, elle veut des actes concrets.
- C’est peut-être aussi, une façon alternative de faire de la politique pour des personnes qui n’en font pas habituellement ! En fait, c’est un acte politique au sens premier (la vie de la cité), un sens qui a totalement été dévoyée par des décennies de politique partisane. Vous ne pouviez pas épingler en public un problème manifeste, environnemental ou social, sans être suspecté d’être un gauchiste, anarchiste, un activiste sulfureux, un perturbateur systémique…
- Le sujet est ouvert…
Didier Narbeburu (juin 2019)
[i]
La SAS est la forme juridique de société très appréciée des créateurs de TPE/PME et start-up. La création de SAS est simple et peu coûteuse. Elle offre une grande liberté aux associés dans la rédaction des statuts.
Ses avantages sont les suivants :
- Capital minimum à la création : 1€/actionnaire ;
- Protection du patrimoine des associés (engagement limité à leurs apports) ;
- Dirigeant de la société assimilé salarié (régime général de l’URSSAF) ;
- Possibilité d’être dirigeant bénévole (aucune charge sociale) et recevoir l’ARE (chômage) ;
- Possibilité de ne pas être soumis à la TVA (selon des seuils) ;
- Option possible d’imposition à l’IR durant les 5 premières années ;
- Possibilité de créer une société sur-mesure avec des règles de fonctionnement simples définies par les statuts ;
- La SAS est attractive pour les investisseurs (anonymat des augmentation de capital et des cessions, possibilité de créer plusieurs séries d’actions, …).